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Les films...
Qu'ils nous permettent de nous évader, qu'ils nous fassent rêver, rire, pleurer ou qu'ils nous irritent au plus haut point, ils sont l'émotion à l'état pur...
Alors Moa, je veux en parler, partager et avoir ton avis, Ô Hôte Curieux !

Quant à la lecture, plaisir solitaire, je découvre peu à peu que chacun recherche quelque chose de différent en ouvrant un livre... Quoi ? Telle est la question...
Je ferai ici un compte-rendu absolument pas objectif des livres qui se sont soumis à ma pupille...

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10 juin 2010

Introduction Caninaire

Vampire… Terrible murmure irradiant l’obscurité, intarissable source de peurs, et de dangers, il est celui dont on redoute le nom, dont on craint la puissance infernale. Créature chimérique, ni morte, ni vivante, le vampire est enfant de la nuit. Au crépuscule, il sort de son tombeau pour sucer le sang des mortels afin d’en tirer la force vitale. Ceci est une chose acquise par le folklore populaire : ce démon est intimement lié à l’image du sang. À ce portrait du tueur maléfique est associé un nom : Dracula, lequel est né sous la plume de Bram Stoker en 1897.
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Cependant, s’il est le vampire reconnu en tant que Prince des Ténèbres, nous devons savoir qu’il n’est pas le premier du nom. Bien avant la naissance du Comte de Transylvanie, le monde a eu vent de mythes et légendes mettant en scène des suceurs de sang. Dès l’Antiquité, les lamies, ou succubes, faisaient régner la terreur en s’attaquant à des jeunes enfants qui, une fois vidés de leur sang, leur servaient d’épouvantails. Elles maintenaient ainsi le respect envers ceux qui auraient l’audace - ou la folie - de vouloir les combattre. Les empuses, spectres multiformes prenant souvent l’aspect de séduisantes jeunes femmes, sévissaient également en aspirant la substance vitale des malheureux qui croisaient leur route. Ou il y eut les striges , des démons femelles qui agressaient de la même manière les enfants. Autant de créatures maléfiques, diaboliques et frénétiques pour parfaire le champ, déjà élaboré, des êtres démoniaques et malintentionnés hantant le monde nocturne.
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Autant de femmes, destinées à détruire les Hommes… Comme pour confirmer la thèse comme quoi, si la femme est mère nourricière, elle est également puissance dévastatrice.
Autant de femmes usant de leur charme pour faire tomber leurs proies.
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Mais si la férocité et le pouvoir de ces démons femelles ne sont plus à démontrer, elles sont, à quelques exceptions près, reléguées au rang de sous-fifres lorsque s’avance le Prince de la nuit. C’est en 1819 que le premier vampire mâle fait son entrée en littérature, dans une nouvelle de John William Polidori, intitulée Le Vampire . Le héros, Lord Ruthven, aussi beau et charismatique que le Comte Dracula est repoussant, va marquer le début d’une vague vampirique romantique. Charles Nodier, Théophile Gautier, Alexandre Dumas, sont autant d’auteurs qui vont s’emparer de cette figure pernicieuse. C’est donc bien plus tard, une fois que bien des règles ont été établies, que le Comte des Carpates va s’installer sur le trône de la littérature fantastique. De surcroit, Bram Stoker ne se basera pas uniquement sur une mythologie infernale, mais voudra se faire porteur d’une certaine réalité : le Comte Dracula serait l’incarnation d’un tyran du XVe siècle, Vlad Tépès, surnommé « l’Empaleur ». Son héros maudit ne doit donc pas être considéré comme un nouveau personnage purement fabuleux, mais comme une reprise fictionnelle de faits historiques.
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Le modèle Dracula va alors pouvoir s’étendre, apportant avec lui une atmosphère gothique et inquiétante qui deviendra stéréotype, topos mnémonique. Une image largement véhiculée par le cinéma. Que ce soit le Nosferatu, de Murnau, silhouette chétive au regard noir et aux griffes acérées, ou le Dracula de Francis Ford Coppola, plus humain mais toujours hautement inquiétant, le vampire devient un personnage important, redouté aussi bien des hommes que des créatures de la nuit. Aujourd’hui encore, et ce, même avec toutes ces visions différentes que l’on nous a proposées, le vampire est associé aux ténèbres, au château plus ou moins fastueux, mais toujours ancien et chargé de mémoire. Car avant d’être un spectre terrorisant ses victimes potentielles, il est homme cultivé entretenant un goût certain pour l’élégance et la majesté : bien peu de vampires sont de simples tueurs vivant dans la pourriture de leurs tombeaux. Et Dracula, dans sa monstruosité, garde un certain savoir-vivre lorsqu’il accueille Jonathan Harker. Un personnage effrayant, certes, mais pas exclusivement menaçant. Car le vampire est double ; « diabolus » en latin. S’il représente le mal et la violence, il est également douceur lorsqu’il s’agit d’amadouer ses proies ; s’il inspire haine et dégoût, il suscite aussi la pitié chez ses adversaires. S’il est mort et destruction, il est aussi amour… Et souffrance… 
De ce fait, il représente parfaitement les deux faces de Janus : Eros et Thanatos, chères à un Ogre que je connais bien. À la fois contraire et complémentaire, l’Amour et la Mort sont réunis en une seule entité, lui offrant alors une complexité à toute épreuve. Quiconque connait le baiser du vampire trépasse. Et il se pourrait bien que le vampire meure chaque fois un peu plus lorsqu’il mord ses victimes…
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Devenu tout puissant, car dispensateur de vie ou de mort, notre créature jouera de ce pouvoir, et se servira de ses charmes pour atteindre son but. D’ailleurs, bien rares sont les humains capables de résister à la fatale attraction qu’il dégage. « J’étais comme étourdie et, chose étrange, je n’avais nulle envie de m’opposer à son désir », écrira Mina Harker dans le roman de Stoker. Si maléfique soit-il, il incarne avant tout les délices de l’interdit, le fantasme de la démesure, la tentation du péché. Le vampire est attirant car ce qui est défendu est attirant. Et de l’autre côté, le vampire est effrayant car ce qui est fatalement lié à son passage, à savoir la mort, est également angoissant, mais non moins intrigant. Par sa prestance et ses pouvoirs, il matérialise alors la peur du noir et de l’au-delà : incapable de mourir, il offre l’immortalité. Mais à quel prix ?
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Cette dualité, ce caractère ambigu chez le vampire sera largement repris par Anne Rice, dans ses Chroniques des Vampires , puisqu’elle donnera à ces êtres diaboliques tant d’humanité et de tourments qu’ils en deviendront touchants. 
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Assurément, si buveur de sang, sombre spectre maudit et traqué il était hier, force est de constater que le vampire est désormais un séducteur flamboyant au teint de nacre et aux lèvres voluptueuses, dont l’attrait est aussi irrésistible que terrifiant. En un mot, fascinant. Fascinant car torturé. Les héros d’Anne Rice donnent une nouvelle représentation à l’image vampirique jusque là utilisée en littérature comme au cinéma. Ils ne sont plus des morts déchus, heureux de faire voir leur puissance démoniaque au commun des mortels, mais subissent leur condition d’immortels devant boire les sang des vivants. De bourreaux, ils deviennent victimes. De prédateurs, ils deviennent martyrs. Ils nous obligent à changer notre point de vue : et si le vampire n’avait pas choisi cette voie qui est la sienne ? Et si son humanité ne s’était pas éteinte comme on le pensait en voyant les fléaux qu’il administre ? Et si son caractère premier était plus fort que la bête sanguinaire qui est en lui ? En un mot, s’il ne pouvait que se résigner face à son statut, ne serait-ce pas lui, la victime ? Immortel, il ne peut qu’administrer la mort. Quelle cruelle condition, quelle horrible existence !
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Existence à ce point fascinante qu’elle mériterait qu’on lui dédie une pièce entière dans cette Taverne… Entreras-tu avec moa, sans frissoner ?
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Image 1 : Le Vampire, par Philip Burne-Jones
Image 2 : Photo tirée du film de Coppola

3 commentaires:

... a dit…

merveilleux article de type gertroudien baroque, donnant presque envie de se faire mordre, non par un raton-laveur infecté mais par un vampiiire.
Tu ne parles pas de Twilight dans cet article, j'en suis heureux!

Anonyme a dit…

il est excellent cet article, un bref résumé de l'évolution du vampire, ça ne m'étonne pas venant de toi!

Le Royaume d'Ashenah a dit…

bel article chère homonymie, qui nous donne envie d'être mordu par des vampires old school plutôt que par quelques gominés aux canines hypertrophiés et allant toujours au lycée!